La FED a franchi le Rubicon en réduisant son programme de rachats, tout en confirmant que cette décision n’était nullement le signe d’une remontée des taux compte tenu du fait qu’une partie de la hausse de l’inflation était transitoire.
La FED et la BCE au diapason
La FED a franchi le Rubicon en réduisant son programme de rachats, tout en confirmant que cette décision n’était nullement le signe d’une remontée des taux compte tenu du fait qu’une partie de la hausse de l’inflation était transitoire.
Sans surprise
L’annonce de la FED n’a vraiment pas été une surprise et a été bien accueillie par les marchés avec un nouveau record pour les bourses, un dollar assez stable ainsi que les marchés obligataires.
Elle a donc annoncé qu’elle commencerait à réduire ses rachats dès ce mois-ci à raison de 15 milliards de dollars par mois, tout en se laissant la possibilité d’accélérer ou de ralentir ce mouvement.
Powell a réaffirmé que l’inflation était en partie transitoire, ce qui justifie qu’une hausse des taux n’est pas à l’ordre du jour pour le moment. Pour justifier cet aspect transitoire, Powell a déclaré « au fur et à mesure que la pandémie refluera, les goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement vont s’atténuer et la croissance de l’emploi se redressera. Et lorsque cela se produira, l’inflation diminuera par rapport au niveau élevé actuel. Bien sûr, le moment auquel cela se produira est très incertain ».
A propos d’emploi, selon ADP, l’économie américaine a créé 571.000 emplois dans le secteur privé en octobre contre 523.000 le mois passé, ce qui augure d’un chiffre meilleur, publié demain, que celui du mois passé pour ces créations . Selon les estimations, ces dernières devraient être de 400.000 contre un chiffre de 194.000 le mois passé. L’amélioration est donc encore lente et explique la retenue de la FED.
Main dans la main ?
Christine Lagarde s’est employée à faire taire les anticipations de hausse de taux l’année prochaine, un peu comme Powell l’a fait aussi hier soir, en insistant sur le côté transitoire de l’inflation.
« Dans nos orientations sur la probable évolution future de la politique monétaire (‘forward guidance’), nous avons clairement énoncé les trois conditions qui doivent être remplies avant que les taux ne commencent à être relevés. Malgré la poussée actuelle de l’inflation, les perspectives d’inflation à moyen terme restent modérées et il est donc très peu probable que ces trois conditions soient remplies l’année prochaine ».
Avant même ces propos, les anticipations d’inflation en zone euro qui avaient dépassé le seuil des 2% ont sensiblement reflué comme le montre le graphique, en partie avec le recul des prix de certaines matières premières. Dont le prix du baril qui a reculé de 3% en une séance après l’annonce d’une hausse importante des stocks aux Etats-Unis et aussi des perspectives d’un accord dans le dossier iranien qui pourrait alors entrainer une levée des sanctions américaines sur les exportations de pétrole.
Comme la FED, et l’annonce de Powell vient renforcer sa position, la BCE estime qu’une hausse des taux est prématurée car et je cite Christine Lagarde « un durcissement excessif des conditions de financement n’est pas souhaitable au moment où le pouvoir d’achat est déjà écorné par la hausse des factures d’énergie et de carburant et cela représenterait un obstacle injustifié à la reprise ».
Que va faire la BOE ?
Cette dernière se réunit ce jeudi et je dois bien reconnaitre que l’issue de cette réunion est totalement incertaine. Si l’on se base sur les anticipations, elle devrait augmenter son taux pour le faire passer de 0.10% à 0.25%, hausse modeste mais hausse quand même.
Et si l’on observe l’évolution du rendement de l’obligation à 2 ans, la hausse des taux ne fait pas de doute. Mais rien n’est aussi simple, la BOE pourrait se laisser influencer par le changement d’attitude de la Banque centrale d’Australie ou par la fermeté de la BoC et donc augmenter les taux. Mais elle pourrait aussi se laisser influencer par les propos de Christine Lagarde et de Powell qu’une hausse de taux est prématurée et qu’elle viendrait mettre à mal le budget des ménages alors que ce dernier est érodé par la hausse des prix, la fin des aides et la hausse des impôts.
Elle pourrait donc, comme la FED, plutôt réduire son programme de rachats qui s’élève à 895 milliards de sterling avant de procéder à une hausse des taux.
Pas d’état d’âme
La Banque centrale de Pologne n’a, elle, pas eu d’état d’âme et a annoncé même une très forte hausse de son taux. Elle a décidé d’augmenter ce dernier de 0.75%, soit la plus forte hausse depuis 2000, pour le porter à 1.25%. Si cette hausse n’est pas le début d’un cycle de hausses des taux, la Banque centrale ne ferme cependant pas la porte à d’autres hausses.
Cette décision est justifiée par l’emballement de l’inflation à 6.8% alors que l’objectif de la Banque centrale est à 2.5% et qu’elle table sur un niveau entre 5.1-5.6% pour 2022 alors que la précédente prévision tournait autour de 2.5-4.1%. De nouvelles hausses de taux sont donc encore clairement à prévoir.
Comme le montre le graphique, cette problématique de la hausse de l’inflation touche un grand nombre de pays émergents et a déjà entrainé une hausse significative des taux par exemple au Brésil. Sans oublier la Turquie où le taux d’inflation a progressé de 2.39% d’un mois à l’autre pour atteindre le niveau de 19.89%, niveau qui n’avait plus été observé depuis 2 ans et demi.
Pour ces pays, la hausse des taux est la seule solution pour limiter cette forte hausse inflationniste et a aussi permis, effet collatéral, de limiter ou éviter la chute de leur devise. Avec comme conséquence positive de limiter l’inflation importée et aussi d’éviter les fuites de capitaux. Ce qui n’est pas le cas de la Turquie par contre.