Roaring Twenties 2.0 ou pas?

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Le lancement de la campagne de vaccination nous permet de voir le bout du tunnel. La progression de la vaccination ….

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Le lancement de la campagne de vaccination nous permet de voir le bout du tunnel. La progression de la vaccination réduit la nécessité d’un confinement strict. Peu à peu, nous pouvons envisager le retour à la vie normale et le redressement économique qui l’accompagne. Certains analystes parlent d’une reprise extraordinairement forte comme pendant les années folles, cette période du début du 20e siècle à la sortie de la guerre et de la grippe espagnole. Malgré d’évidents parallèles entre les deux époques, il est aussi des différences. Et c’est précisément sur la base de ces différences que nous prévoyons une reprise économique modérée en Belgique dans les années à venir.

Le lancement des campagnes de vaccination dans l’UE alimente l’enthousiasme de la population pour la suite, lorsque l’immunité collective sera atteinte. La période qui a suivi la Première Guerre mondiale et l’épidémie de grippe espagnole a été évoquée à plusieurs reprises ces derniers mois. Surnommée les ‘années folles’ (Roaring Twenties en anglais), elle se caractérise par une forte croissance économique, d’abord aux États-Unis et ensuite en Europe, des innovations révolutionnaires et une exubérance sociale et culturelle. Une période de reprise économique consécutive à la crise du coronavirus est très probable, mais il reste à voir si nous connaîtrons de nouvelles années folles. KBC Economics mise d’ores et déjà sur un scénario plus modéré.

Un mouvement de rattrapage des consommateurs

La consommation privée sera sans aucun doute un moteur essentiel de la reprise économique post-coronavirus. Les montants d’épargne ont en effet explosé depuis le début de la crise du coronavirus (voir figure 1). Le solde des comptes à vue des ménages belges a grimpé de 250 milliards EUR à la fin de 2019 à 293 milliards EUR à la fin de 2020. La quotité d’épargne a grimpé à 27% au deuxième trimestre avant de retomber à 16% au troisième trimestre, un niveau encore largement supérieur à la moyenne de 2019.

Selon une analyse de 2020 de la Banque centrale européenne, deux raisons majeures expliquent la hausse de l’épargne. D’une part, l’incertitude accrue incite les ménages à se constituer par précaution une réserve supplémentaire, de crainte par exemple de perdre leur emploi. C’est ce que l’on appelle l’épargne de précaution. D’autre part, la fermeture obligatoire des magasins et la disparition de divers postes de dépenses, tels que les activités sociales et culturelles et les voyages, ont tout simplement réduit les occasions de dépenser ces derniers mois. Selon la BCE, cette dernière catégorie, l’épargne forcée, est la principale explication de l’accroissement de l’épargne au deuxième trimestre 2020. Cette analyse a été confirmée par la forte progression des ventes au détail que nous avons observée à la levée des mesures de confinement après les deux premières périodes de fermeture des magasins. Le fait que l’épargne de précaution soit, dans l’ensemble, relativement limitée par rapport à l’épargne forcée s’explique, entre autres, par les nombreuses mesures gouvernementales qui ont été prises pour empêcher les pertes d’emploi et/ou pour limiter les pertes de revenus temporaires.

Mais il est encore prématuré de crier victoire et de sortir les robes charleston ou les feutres du placard. Si l’épargne forcée est plus élevée que l’épargne de précaution, cela ne change rien au fait que cette dernière catégorie a également augmenté sensiblement. De plus, l’épargne de précaution peut s’avérer plus tenace que l’épargne forcée. En outre, les chiffres globaux cachent également des différences entre les ménages. Pour de nombreux Belges, épargner est devenu beaucoup plus difficile, voire impossible. L’enquête de janvier de la Banque nationale de Belgique auprès des consommateurs révèle que 16% des ménages interrogés ont vu leurs revenus diminuer de plus de 10%.

L’avenir reste en outre incertain. Même si nous parvenons à vaincre le coronavirus, il reste à voir quel sera l’impact de la crise sur l’économie et l’emploi. À terme, les généreuses mesures de soutien des gouvernements expireront ou seront progressivement supprimées. Le moment sera décisif pour de nombreuses entreprises qui sont ou ont été soutenues artificiellement par diverses mesures gouvernementales, telles que des crédits bon marché et un moratoire sur les crédits d’exploitation. Cette incertitude se reflète dans la composante emploi de divers indicateurs de confiance. Tant les consommateurs que les entreprises pensent que l’emploi va évoluer négativement dans les mois à venir. De plus, rien ne dit que les consommateurs et les producteurs oublieront rapidement cette crise du coronavirus. Désormais, une pandémie n’est plus un concept théorique, mais un risque réel.

L’incertitude pourrait donc peser sur les dépenses de consommation et d’investissement, par exemple pour les entreprises dont l’endettement a atteint des niveaux intenables pendant la crise du coronavirus. Selon le sondage de l’ERMG de janvier, l’entreprise belge moyenne s’attend à ce que les investissements restent environ 20% et 10% en dessous des niveaux normaux en 2021 et 2022, respectivement. Cette estimation varie considérablement d’un secteur à l’autre, les secteurs les plus touchés par les confinements s’illustrant particulièrement négativement. Les gouvernements tentent en partie d’amortir le gel des investissements lié à l’incertitude par diverses mesures de relance. Dans l’UE, ils vont jusqu’à mettre la main à la poche, entre autres avec le plan de relance européen Next Generation EU. Le succès de ces plans exige cependant également un engagement de la part du secteur privé, et c’est là que le bât pourrait blesser.

Percées technologiques

Il faut en outre plus qu’une simple reprise de la demande pour rebooster l’économie. Pendant les années folles, plusieurs grands bouleversements ont engendré une forte croissance économique. Grâce à l’automatisation accrue, des produits économiques importants, tels que les voitures et les appareils électroménagers, sont devenus abordables et l’introduction de l’électricité dans la plupart des foyers a également dopé la consommation. De nouvelles percées technologiques majeures ne sont pas exclues dans les années à venir car les banques centrales ont injecté beaucoup d’argent dans l’économie mondiale, mais cela n’est pas non plus une certitude. Les candidats potentiels, tels que l’intelligence artificielle, les super batteries ou la technologie médicale, ne manquent pas, mais il n’y a aucun moyen de prédire si et quand une technologie va réaliser une percée susceptible d’accélérer la croissance.

Une reprise modérée

Dans nos prévisions économiques KBC, nous pensons que la croissance économique belge se redressera en 2021, mais que le mouvement de rattrapage ne se renforcera véritablement qu’au second semestre. L’évolution des campagnes de vaccination sera décisive. La croissance économique belge restera robuste en 2022, mais un scénario Roaring Twenties est peu probable, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose. La question est de savoir si nous rêvons d’une nouvelle période d’exubérance et de croissance débridée, sachant que les années folles ont été suivies par la Grande Dépression, une période de malaise économique extrême.

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