La conjonction de la guerre en Ukraine, de la hausse des prix des matières premières, des nouvelles mesures de confinement en Chine, et des problèmes qui perdurent dans les chaînes d’approvisionnement ne pouvaient qu’entrainer des révisions de la croissance.
Entre révision et inversion, le doute s’installe
La conjonction de la guerre en Ukraine, de la hausse des prix des matières premières, des nouvelles mesures de confinement en Chine, et des problèmes qui perdurent dans les chaînes d’approvisionnement ne pouvaient qu’entrainer des révisions de la croissance.
Révision de la croissance
Commençons par la Belgique, où la BNB a revu nettement à la baisse les prévisions de croissance puisqu’elle table désormais sur une croissance de 2.4% cette année et de 1.5% en 2023, soit une baisse cumulée de 1.2% pour les deux années.
Et cette révision est encore modeste pour 2022 grâce au fait que l’on partait d’une base favorable en fin d’année 2021, sinon la révision aurait été encore plus négative. Selon la BNB, le second trimestre pourrait connaitre une croissance négative (-0.2%) avec une reprise sur le second semestre mais en deçà des prévisions précédentes.
Pour expliquer ces révisions, la BNB table sur un recul de la consommation, consommation qui a été quand même ces dernières années le vecteur de la croissance. Et ce recul de la consommation est bien entendu lié à la hausse de l’inflation qui a été fortement revue à la hausse par la BNB. Elle table en effet sur un taux d’inflation de 7.4% en moyenne pour 2022 à cause de la hausse des prix de l’énergie mais également des produits alimentaires.
Avec comme conséquence une perte de compétitivité extrêmement importante selon la BNB et je cite en particulier le passage qui en fait référence et qui est explicite. « Au travers des indexations des salaires, l’accélération de l’inflation induira donc également une nouvelle perte de compétitivité comme mentionné ci-dessus. Si l’on considère la période de 2022 à 2023, les coûts salariaux horaires du secteur privé grimperont de plus de 10 % ! En 2024, la hausse s’établirait encore à 2,4 %, ce qui porterait le pourcentage total sur la période estimée à près de 13 %. Il s’agit d’une situation inédite. L’inflation (énergétique) est également supérieure à celle des grands pays voisins, entres autres sous l’effet de la part légèrement supérieure des contrats énergétiques à taux variables en Belgique. En outre, les pays voisins n’appliquent pas de mécanismes d’indexation automatique des salaires. Une compensation de la hausse des prix par un relèvement des salaires nominaux doit y être négociée entre les partenaires sociaux. Comme ces négociations demandent un certain temps, les prix énergétiques élevés auront (au moins) à court terme une incidence significative et défavorable sur la compétitivité-coût des entreprises belges ».
Pour conclure, la BNB se montre prudente dans ses prévisions car nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles hausses des prix de l’énergie qui viendraient mettre à mal ce scénario, mais à ce stade elle n’évoque pas un risque de lourde récession ou de stagflation.
L’agence de rating S&P a, de son côté, revu à la baisse ses prévisions de croissance pour la zone euro à 3.3% pour cette année contre 4.4% précédemment.
Après la révision en Allemagne par l’institut IFO, les révisions pour la France commencent aussi à tomber. La Banque de France, prudente, table sur une croissance de 3.4% ou de 2.8% en fonction du prix du baril pour cette année. Alors que l’institut Rexecode voit la croissance à 2.9% contre 4% précédemment, comme l’économiste Philippe Waechter qui l’estime entre 2.5% et 3%. Mais 2022 bénéficie encore d’un acquis de croissance qui disparaitra en 2023, avec comme conséquence que, par exemple, Rexecode ne table plus que sur une croissance de 0.4% en 2023.
Aux Etats-Unis, il n’est pas encore question de révision de croissance, mais la question est quand même sur toutes les lèvres compte tenu de l’évolution de la forme de la courbe comme évoqué la semaine passée dans ma petite vidéo. Mais les signaux sont pour le moment totalement contradictoires.
Si on prend l’évolution du différentiel de taux entre le Treasury 10 ans et le 2 ans, cet écart se réduit nettement et s’il venait à passer en territoire négatif cela serait un signal important de risque de récession en 2023 (les bâtonnets représentent les périodes de récession aux Etats-Unis).
Par contre si on prend l’évolution du différentiel de taux entre le Treasury 10 ans et le taux à 3 mois il s’écarte sensiblement et semble donc exclure tout risque de récession.
Et comme rien n’est simple, si on prend l’évolution du différentiel de taux entre le Treasury 30 ans et celui à 5 ans, il est tombé à zéro pour la première fois depuis 2006 et son passage en territoire négatif pourrait aussi être un indicateur de risque de récession.
Plan ambitieux
Est-ce pour éviter la récession que Biden a présenté hier un plan ambitieux ? Il a en tout cas soumis au Congrès un plan budgétaire de 5.790 milliards de dollars qui prévoit des dépenses militaires records en temps de paix et une aide supplémentaire à l’Ukraine, tout en augmentant les impôts des milliardaires et des entreprises et en réduisant les déficits publics.
Ambitieux car Biden table sur des déficits qui tomberaient à 5.8% du PIB cette année et qui resteraient ensuite inférieurs à 5% contre un taux de 14.9% du PIB en 2020.
Pour financer ces nouvelles dépenses, Biden a prévu un projet de loi qui introduit un nouvel impôt minimum obligeant les personnes très riches à payer au moins 20 % de leurs revenus en impôts. Cet impôt s’appliquerait à 0,01 % des ménages américains, ceux qui valent plus de 100 millions de dollars, et plus de la moitié des nouvelles recettes proviendraient des ménages valant plus d’un milliard de dollars. Est également prévu que lorsqu’il y a des rachats d’actions par les entreprises américaines, les dirigeants de ces entreprises devront conserver ces actions qu’ils reçoivent pendant plusieurs années.
La BOJ à la peine
Malgré son annonce qu’elle allait procéder à des achats illimités pour faire baisser le rendement à 10 ans, il faut bien constater qu’elle n’a pas réussi à faire bouger les lignes.
Elle aurait déjà dépensé l’équivalent de 2 milliards de dollars pour ces achats et a annoncé qu’elle poursuivrait ces derniers jusqu’à jeudi même si cela met le yen fortement sous pression.
Cette chute du yen entraine évidemment un renchérissement des prix à l’importation, et c’est pour cette raison que le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a ordonné mardi à son cabinet de mettre en place un nouveau programme d’aide d’ici la fin du mois d’avril afin d’amortir le choc économique de la hausse des prix des carburants et des matières premières.