La Banque centrale d’Australie a franchi le pas en abaissant ses taux d’intérêt, alors que jusqu’à présent, contrairement aux autres Banques centrales, elle s’était abstenue de les baisser.

Le paradoxe des taux
La Banque centrale d’Australie a franchi le pas en abaissant ses taux d’intérêt, alors que jusqu’à présent, contrairement aux autres Banques centrales, elle s’était abstenue de les baisser.
Baisse mais prudente
Elle a réduit son taux de 0.25% pour le porter à 4.10%, une première baisse depuis novembre 2020.
Pour la suite « alors que la décision de politique monétaire d’aujourd’hui reconnaît les progrès bienvenus en matière d’inflation, le conseil d’administration reste prudent quant aux perspectives d’un nouvel assouplissement de la politique monétaire », a déclaré le conseil d’administration dans un communiqué.
Cette baisse des taux était attendue compte tenu du recul de l’inflation, mais comme elle intervient en fin de cycle pour la majorité des autres Banques centrales, sa marge de manœuvre pour de nouvelles baisses est assez réduite.
A propos des autres Banques centrales, demain matin, la Banque centrale de Nouvelle-Zélande devrait encore réduire son taux de 0.50% pour le porter à 3.75%.
Pour revenir à l’Australie, l’inflation qui est revenue à 2.4% au dernier trimestre, soit dans la fourchette cible de 2 à 3%, explique pourquoi la Banque centrale a finalement baissé ses taux.
Le paradoxe des taux
Certes les Banques centrales continuent de baisser leur taux, même si cela sent la fin de cycle pour certaines, et que la marge de manœuvre devient de plus en plus étroite.
Mais le paradoxe est que les taux des rendements obligataires ont plutôt tendance à repartir à la hausse alors que, par exemple, le marché table sur encore trois baisses de taux de la part de la BCE. Si on observe l’évolution du rendement du Bund 10 ans, certes nous ne sommes pas revenus au niveau de début d’année, mais la hausse est néanmoins très perceptible.

Comment expliquer ce paradoxe ?
Ce paradoxe peut s’expliquer de deux façons qui sont assez contradictoires. D’un côté, la hausse est liée au fait que les Etats européens vont devoir mettre la main à la poche pour financer soit leur participation à l’OTAN, soit les investissements pour une défense européenne, voire les deux. Ce qui fait craindre une augmentation de l’offre d’obligations d’État pour financer ces dépenses, avec même un risque de voir un élargissement des spreads pour les pays plus endettés.
Et d’un autre côté, un accord de paix, pour autant qu’il soit crédible et réaliste, pourrait entrainer une reprise de l’économie européenne, mettant un terme à la baisse des taux de la part de la BCE avec comme corollaire une remontée des taux obligataires. Même si à ce stade, ce scénario semble complètement irréaliste.
Mais pour le moment les risques liés aux droits de douane américains demeurent d’actualité, et ils pourraient entrainer un ralentissement de l’activité économique en Europe avec un risque déflationniste dans la zone euro.
Et l’Allemagne serait particulièrement affectée comme l’a souligné le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, « notre forte orientation vers l’exportation nous rend particulièrement vulnérables. La production économique en 2027 serait inférieure de près de 1,5 point de pourcentage aux prévisions » (prévisions qui sont de 0.2% pour cette année, et de 0.8% en 2026, ce qui signifierait une contraction de l’économie sur les trois prochaines années).
Et Nagel a aussi souligné que « contrairement à ce que le gouvernement (américain) a annoncé, les conséquences des tarifs douaniers pour les États-Unis devraient donc être négatives. La perte de pouvoir d’achat et l’augmentation des coûts des intrants intermédiaires l’emporteraient sur les avantages concurrentiels de l’industrie américaine ».
Baisse des taux courts et remontée des taux longs, ce qui entraine une pentification de la courbe avec un écart entre le Bund 2 ans et celui à 10 ans qui s’est sensiblement élargi, comme le montre le graphique.

Et pour rester sur les taux
Le président de la FED de Philadelphie, Patrick Harker, a déclaré « les données actuelles dépeignent une économie américaine qui continue de fonctionner en position de force », et compte tenu d’un marché de l’emploi équilibré et une croissance résiliente, « ce sont des raisons suffisantes pour maintenir le taux directeur stable ».
Tout en laissant entrevoir une possibilité de baisse des taux un peu plus tard en soulignant « bien que je ne m’engage pas sur un calendrier précis, je reste optimiste quant à la poursuite de la baisse de l’inflation et à la capacité du taux directeur à diminuer sur le long terme ».
Mais « en ce qui concerne l’inflation, nous ne savons tout simplement pas encore quels impacts, le cas échéant, nous pourrions observer des nouvelles politiques et priorités économiques, qu’elles soient nationales ou étrangères en termes de nature et d’impact ».
Le gouverneur de la FED, Christopher Waller, s’est aussi montré plus optimiste, « mon point de vue de base est que toute imposition de droits de douane n’augmentera que modestement les prix et de manière non persistante. Je suis donc favorable à ce que l’on tienne compte de ces effets lorsque l’on définit la politique monétaire au mieux de nos capacités. Je reconnais que les effets des droits de douane pourraient être plus importants que je ne le prévois… Mais nous devons également nous rappeler qu’il est possible que d’autres politiques en cours de discussion aient des effets positifs sur l’offre et exercent une pression à la baisse sur l’inflation ».
Mais comme Harker, il demeure prudent pour la poursuite de la baisse des taux car « les données ne plaident pas en faveur d’une réduction du taux directeur. Mais si 2025 se déroule comme 2024, des réductions de taux seraient appropriées à un moment donné cette année ».
Et pour terminer sur les taux, le rendement de l’obligation japonaise à 10 ans a atteint son niveau le plus élevé depuis octobre 2009, ce qui pourrait aussi expliquer la remontée des taux obligataires en Europe, car les investisseurs japonais ont eu tendance à se repositionner sur les obligations en yen au détriment de la dette en euro.

