Le protectionnisme de Trump : une question d’interprétation des feuilles de thé

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Le 20 janvier, Donald Trump sera investi pour la deuxième fois. Lors de sa campagne électorale, il a promis d’orienter les États-Unis dans une direction beaucoup plus protectionniste.

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Le 20 janvier, Donald Trump sera investi pour la deuxième fois. Lors de sa campagne électorale, il a promis d’orienter les États-Unis dans une direction beaucoup plus protectionniste. En matière de commerce, il a promis d’imposer des droits de douane de 20 % sur toutes les importations et de 60 % sur les importations chinoises. Il a également proposé d’augmenter les droits de douane sur les automobiles à 100 %. En matière d’immigration, son protectionnisme est encore plus évident. Il a non seulement promis de resserrer l’immigration légale et illégale, mais aussi d’expulser tous les immigrants sans papiers vivant actuellement aux États-Unis (estimés à environ 13 millions de personnes). Mais la preuve du pudding, c’est qu’on le mange. Compte tenu de l’impact stagflationniste potentiellement important de ces propositions politiques, il pourrait hésiter à les mettre en œuvre dans leur intégralité une fois qu’il sera au pouvoir. Dans cette note économique, nous évaluons les nominations de son cabinet et d’autres annonces afin d’avoir une idée du degré de protectionnisme que pourrait atteindre son second mandat.

La politique commerciale de Trump

En ce qui concerne la politique tarifaire, les nominations de M. Trump à divers postes clés de la politique économique ont quelque peu rassuré les marchés financiers. C’est notamment le cas de la nomination de Scott Bessent, associé de Soros Fund Management, au poste de secrétaire au Trésor. Le jour de sa nomination, les marchés boursiers américains et européens ont bondi d’environ 1 %, tandis que la valeur refuge habituelle, le dollar américain, s’est dépréciée. M. Trump a également nommé Kevin Hassett, un économiste, au Conseil économique national et Howard Lutnick, PDG de Cantor Fitzgerald, au poste de secrétaire au commerce. Tous sont considérés comme relativement modérés et proches de Wall Street. Les marchés voient des similitudes avec les rôles modérateurs joués par Steven Mnuchin et Gary Cohn dans la première administration Trump.

Cependant, les marchés pourraient être trop optimistes. En effet, Trump a également nommé Jamieson Greer au poste de représentant américain au commerce. M. Greer était le chef de cabinet de Robert Lighthizer, l’architecte des guerres commerciales de M. Trump pendant son premier mandat. Il a adopté plusieurs positions anti-commerciales, comme sa proposition de révoquer le statut de nation la plus favorisée de la Chine. M. Trump a également nommé Peter Navarro au poste de conseiller commercial, un économiste très hostile au commerce.

En outre, les candidats actuels dits modérés sont plus ouverts à l’augmentation des droits de douane que ne l’étaient MM. Mnuchin et Cohn, même s’ils les considèrent comme un moyen d’atteindre d’autres objectifs plus importants. M. Bessent les considère comme une “position de négociation” précieuse, tandis que MM. Hassett et Lutnick pensent qu’ils pourraient aider à délocaliser la production mondiale et à ramener les emplois dans le secteur manufacturier.

Contrairement au premier mandat de M. Trump, où les droits de douane n’ont été annoncés que deux ans après le début de son mandat, Donald Trump a lancé les premières salves de sa guerre commerciale avant même son investiture. Le 25 novembre, il s’est engagé à imposer des droits de douane de 25 % sur les produits mexicains et canadiens dès le premier jour, ce qui causerait des dommages considérables aux économies de ces deux pays (voir figure 1). Il a précisé que ces droits de douane seraient maintenus jusqu’à ce que le fentanyl et les migrants sans papiers cessent d’entrer aux États-Unis par la frontière mexicaine ou canadienne. À la suite d’appels téléphoniques avec les dirigeants des deux pays, Claudia Sheinbaum et Justin Trudeau, il a modéré sa rhétorique. Toutefois, nous pourrions encore voir des décrets d’augmentation des droits de douane sur les deux pays (et sur d’autres) dans les premières semaines suivant son investiture. Ces semaines nous donneront en effet des indications supplémentaires sur le degré de restriction de ses politiques à l’égard du commerce mondial au cours de son mandat. Pour l’instant, KBC Economics part de l’hypothèse d’une introduction progressive d’un droit de douane général de 10 % sur toutes les importations et d’un droit de douane général de 60 % sur les importations chinoises.

La politique migratoire de Trump

Si les nominations de M. Trump dans le domaine économique ont été mitigées, ses nominations dans le domaine de l’immigration indiquent une direction très protectionniste. Stephen Miller, un partisan de la ligne dure en matière d’immigration qui a contribué à l’élaboration des règles de séparation des familles de Trump au cours de son premier mandat, deviendra le chef de cabinet adjoint de Trump. Tom Homan, un autre partisan de la ligne dure en matière d’immigration, deviendra le tsar des frontières de Trump. Il a menacé de déployer la Garde nationale pour aider aux déportations.

Bien que M. Trump n’ait fait aucune annonce concrète sur l’immigration, on peut s’attendre à ce que de nombreux décrets soient publiés sur le sujet au cours des premières semaines de son mandat. Après son investiture en 2016, M. Trump a immédiatement publié de nombreux décrets relatifs à l’immigration, dont l’interdiction dite “musulmane”. On peut également s’attendre à ce que le Congrès adopte une législation plus complète sur l’immigration. Le 7 janvier, la Chambre des représentants a déjà adopté la loi Laken Riley, qui facilite l’expulsion des immigrés sans papiers pour des délits mineurs.

Si Donald Trump a clairement l’intention de réprimer l’immigration clandestine, son point de vue sur l’immigration légale est plus flou. À la suite d’une querelle entre Laura Loomer, une influenceuse de droite, et Elon Musk, M. Trump a déclaré qu’il soutenait le programme de visas H-1B, un programme de visas pour les professions dites spécialisées. Nous nous attendons néanmoins à un durcissement général des politiques d’immigration légale. Nous ne prévoyons toutefois pas de grande opération d’expulsion à l’échelle nationale, car ce plan se heurterait à des difficultés juridiques, financières et logistiques considérables. Dans l’ensemble, nous prévoyons des réductions relativement légères de la main-d’œuvre née à l’étranger au cours de son mandat.

Conclusion

Les nominations et les annonces faites par Donald Trump après l’élection nous ont donné quelques indications sur le degré de protectionnisme que son administration pourrait adopter. En matière de migration, les nominations de Trump vont dans le sens d’une restriction, en particulier en ce qui concerne l’immigration illégale. En revanche, la position réelle de Trump en matière de commerce reste floue. Il a nommé plusieurs ministres modérés à des postes économiques clés. Cependant, de nombreux partisans de la ligne dure en matière de commerce ont rejoint son cabinet et les récentes menaces tarifaires à l’encontre du Canada et du Mexique laissent présager une guerre commerciale plus intense que lors de son premier mandat. Nous attendons plus de clarté sur les politiques économiques de Trump après l’investiture, lorsque Trump commencera son second mandat en tant que président des États-Unis.

Laurent Convent

Economist, KBC Group

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