Arrêtons de fantasmer sur une baisse des taux

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Après les Etats-Unis mercredi, les taux d’intérêt ont augmenté hier en zone euro, en Grande-Bretagne, en Suisse, au Danemark, en Norvège, au Mexique et à Taïwan, et ce n’est pas fini.

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Après les Etats-Unis mercredi, les taux d’intérêt ont augmenté hier en zone euro, en Grande-Bretagne, en Suisse, au Danemark, en Norvège, au Mexique et à Taïwan, et ce n’est pas fini.

Au grand désespoir des bourses

Car ces dernières avaient le sentiment, ou je devrais écrire la naïveté, de croire que les Banques centrales allaient ralentir les hausses de taux (ce qui a été le cas), mais aussi que le mouvement de resserrement touchait à sa fin et que la baisse des taux interviendrait après rapidement. Les annonces de toutes les Banques centrales ont douché les espoirs sur ces deux derniers points, ce qui a provoqué la dégelée que nous avons connu sur les marchés boursiers hier. Si j’osais la métaphore, on ne s’aventure pas sur un lac gelé sans s’assurer que la glace est assez solide, et c’est vraiment cela que les investisseurs ont eu le tort de faire.

Hausses des taux et suite

Je pourrais reprendre le message de la Banque nationale Suisse, ou celui de la BoE ou encore de la BCE, après l’annonce de la hausse de 0.50%, la hausse des taux n’est pas terminée (voir aussi mon interview à Canal Z).

Et Christine Lagarde a même été encore plus incisive en déclarant qu’une «  autre hausse de 50 points de base lors de notre prochaine réunion et peut-être lors de la suivante, et peut-être même après » était tout à fait possible.

Et pour que cela soit bien claire, « il ne s’agit pas d’un pivot. Nous ne ralentissons pas, nous sommes dans la durée ».

Même la Banque centrale de Norvège, qui a commencé à augmenter ses taux en septembre 2021, et qui a encore procédé à un resserrement de 0.25%, a déclaré qu’elle n’en avait pas fini avec les hausses de taux.

Si on se focalise plus spécifiquement sur les annonces de la BCE, et en dehors de la correction des bourses, ces annonces ont provoqué une forte tension sur les taux courts avec une hausse très nette du rendement du Bund 2 ans.

Comme attendu, elle a augmenté de 0.50% ses taux pour porter le taux des dépôts à 2%, et elle a annoncé qu’elle allait réduire la taille de son bilan à partir de mars prochain.

Pour expliquer pourquoi la BCE n’en avait pas fini avec les hausses de taux, Christine Lagarde a expliqué que les risques entourant les perspectives d’inflation restaient orientés à la hausse, évoquant la possibilité d’une croissance des salaires plus forte qu’anticipé et celle de voir les mesures budgétaires de soutien au pouvoir d’achat prises par de nombreux pays doper la demande.

Il faut dire que contrairement aux Etats-Unis, en zone euro, il n’y a pas de signal de détente de l’inflation, ce qui peut expliquer le ton plus offensif de Christine Lagarde.

A côté de la hausse des taux, la BCE va aussi commencer à réduire la taille de son bilan à raison de 15 milliards d’euros par mois en moyenne jusqu’à la fin du deuxième trimestre 2023 et puis le montant sera ajusté au fil du temps. Cette annonce a provoqué une petite tension sur les spreads dans la zone euro, en particulier sur la dette italienne.

Pour expliquer ces propos très hawkishs de la part de la BCE, c’est parce que cette dernière a revu à la hausse ses prévisions d’inflation. Pour 2023, au lieu d’un taux de 5.5% comme annoncé en septembre, elle table désormais sur un taux de 6.3%, et pour 2024 de 3.4% au lieu de 2.3%. Et pour sa première estimation de 2025, elle table sur un taux de 2.3%. La décrue de l’inflation sera plus lente que prévue.

Et dans le même temps, la BCE a revu à la baisse ses prévisions de croissance, ce qui explique aussi en partie la forte correction sur les bourses. Pour l’année prochaine, elle voit la croissance à 0.5% contre 0.9% en septembre, et inchangée à 1.9% en 2024.

Si on s’intéresse aux messages distillés par les autres Banques centrales, la BoE, après sa hausse de 0.50% qui porte le taux à 3.50%, a déclaré « le marché du travail reste tendu et il y a eu des preuves de pressions inflationnistes sur les prix domestiques et les salaires qui pourraient indiquer une plus grande persistance et justifier ainsi une nouvelle réponse forte en matière de politique monétaire ».

Même constat de la part de la Banque nationale Suisse après sa hausse de 0.50% de son taux pour le porter à 1%, « l’inflation a quelque peu diminué depuis août. Si cette évolution est bienvenue, il est encore trop tôt pour sonner le tocsin. On ne peut pas exclure que de nouvelles augmentations soient nécessaires ».

Et comme pour la BCE, le taux pivot n’est pas encore à portée de main, comme l’a souligné le gouverneur Jordan, « « nous ne sommes pas spécifiques sur un éventuel taux terminal. Nous allons de trimestre en trimestre (…) en regardant les nouvelles prévisions d’inflation ».

Et justement à propos des prévisions d’inflation, la Banque nationale Suisse s’attend à un taux de 2.9% en 2022, de 2,4 % en 2023 et de 1,8 % en 2024, mais une hausse à 2.1% en 2025.

L’année 2023 connaitra dès lors encore des hausses de taux de la part de la majorité des Banques centrales et à partir du moment où ils auront atteint un taux pivot, ils vont rester inchangés pour le reste de l’année. Arrêtons de fantasmer sur un repli rapide de ces derniers.

Certes les risques de ralentissement sont élevés, mais les indices PMI qui sont publiés ce matin en Europe, devraient confirmer que le ralentissement sera plus limité que prévu. Mais on parlera lundi de ces indices PMI.

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