C’est au pied du mur que l’on voit le maçon, ou c’est face au mur que l’Europe se réveille et avance. Peu importe la formule, mais face à l’urgence l’Europe se secoue et en particulier l’Allemagne qui a envoyé un signal très fort.

Les lignes bougent … doucement
C’est au pied du mur que l’on voit le maçon, ou c’est face au mur que l’Europe se réveille et avance. Peu importe la formule, mais face à l’urgence l’Europe se secoue et en particulier l’Allemagne qui a envoyé un signal très fort.
Les lignes bougent
Le premier coup de boutoir est venu de la Bundesbank qui a proposé, hier, d’augmenter la marge de manœuvre de l’État pour emprunter jusqu’à un maximum de 1.4% du PIB, à condition que la dette soit inférieure à 60% du PIB, avec 0.9 point de pourcentage du total consacré à l’investissement. Et si la dette dépasse 60% du PIB, la capacité d’emprunt serait limitée à 0.9%, qui serait entièrement consacré à l’investissement.
Selon la Bundesbank, « si le taux d’endettement est inférieur à 60%, la capacité d’endettement augmente d’ici 2030 d’un montant cumulé de 220 milliards d’euros par rapport au statu quo ».
Elle a ensuite précisé comment mettre cela en place « nous préférerions une réforme fondamentale du frein à l’endettement qui permette une meilleure prévisibilité, mais un fonds spécial avec des paramètres financiers comparables serait également une option » a estimé Joachim Nagel, le président de la Bundesbank.
La deuxième avancée a été l’annonce par les partis qui devraient former le prochain gouvernement allemand qu’ils se sont mis d’accord pour créer un fond d’infrastructure de 500 milliards d’euros.
Le futur chancelier Merz a déclaré « face aux menaces qui pèsent sur notre liberté et sur la paix sur notre continent, tout ce qui est nécessaire doit désormais s’appliquer à notre défense ».
L’euro s’est envolé par rapport au dollar suite à cette annonce et les futures pour les bourses européennes sont en forte hausse, après il faut bien le reconnaître, une journée noire hier.

Cette annonce serait non seulement un changement fondamental de paradigme en Allemagne, mais un montant de cette ampleur entraînerait une forte hausse de la croissance en 2026.
Selon Merz, la future coalition CDU/CSU et SPD soumettra la semaine prochaine à la chambre basse du Bundestag une motion visant à modifier la constitution afin que les dépenses de défense supérieures à 1 % de la production économique ne soient pas soumises au frein à l’endettement.
Et dans le même temps, ils soumettront une proposition visant à moderniser le frein à l’endettement.
Pour cette modification et la création du fonds, ils ont besoin d’une majorité des deux tiers, ce qui signifie que le temps presse, car le nouveau parlement ne leur offrirait plus cette opportunité.
Selon Sebastian Dullien de l’institut IMK, « si ces négociations aboutissent, la stagnation de l’économie allemande devrait être rapidement surmontée. Non seulement parce que des investissements urgents seront réalisés, mais aussi parce que l’état d’esprit général devrait changer de manière significative. L’Allemagne est à nouveau capable d’agir sur les plans économique et militaire ».
La troisième avancée pourrait venir de la Commission avec un plan, qui sera soumis demain aux 27, et qui pourrait être adopté même sans l’accord des pays hostiles au soutien à l’Ukraine.
La Commission a proposé un plan de grande ampleur intitulé « RearmEurope » qui se décline en trois grands volets.
Le principal étant d’activer la clause nationale de dérogation dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, ce qui permettrait d’augmenter les dépenses de 1.5 % du PIB, ce qui représenterait un espace fiscal de 650 milliards d’euros. Reste évidemment à voir, compte tenu du niveau d’endettement de certains Etats, comment ils vont pouvoir financer ces investissements.
Deuxième volet, la Commission emprunterait 150 milliards pour l’investissement dans la défense. Ce nouvel instrument permettrait de financer missiles, drones, défenses anti-drones, le domaine de cyberdéfense et la mobilité militaire.
Et troisième volet, la Commission propose aussi de changer le mandat de la Banque européenne d’investissement pour lui permettre de financer des prêts à l’industrie de défense.
Et aussi pour terminer de prélever les 93 milliards d’euros non utilisés dans l’instrument de relance et de résilience post-Covid, qui n’ont pas été demandés par les États membres sous forme de prêts.
L’Europe bouge et il était temps, et l’ensemble de ces mesures pourraient, non seulement, remettre l’Europe en position de force, mais lui donner un nouvel élan économique. Pour autant que cela aille vite et qu’elle trouve les moyens d’assurer ces investissements.
Et il a urgence car les autres grandes puissances ne nous ont pas attendu et comptent bien exploiter la moindre de nos faiblesses.
La Chine en premier
Ce matin, s’est ouverte, en Chine, la réunion annuelle du parlement chinois, qui a donné l’occasion au premier ministre Li Qiang, de mettre en garde estimant que « un environnement extérieur de plus en plus complexe et sévère pourrait avoir un impact plus important sur la Chine dans des domaines tels que le commerce, la science et la technologie ».
Preuve du changement, dans son discours, il a mis plus en avant la nécessité d’une relance de la consommation que les investissements dans l’industrie de pointe.
Il a confirmé que l’objectif de croissance pour cette année restait à environ 5% et le déficit budgétaire à 4%.
Il a également annoncé que Pékin prévoyait d’émettre 1.3 trillion de yuans (179 milliards de dollars) d’obligations spéciales du Trésor à très long terme cette année, contre 1 trillion de yuans en 2024.
Il faudra voir maintenant concrètement comment la demande intérieure va être soutenue dans un contexte qui sera évidemment marqué par le risque d’une escalade dans la guerre commerciale. A ce stade, le pouvoir reste dans l’attente et n’a pas encore dévoilé toutes ses cartes.
Aux Etats-Unis, le doute s’installe
L’impact des hausses des tarifs douaniers est à ce stade impossible à déterminer, mais ils minent déjà le moral des ménages et des petites et moyennes entreprises avec la crainte d’une hausse de l’inflation.
Pour le président de la FED de New York, John Williams, la crainte est la même comme il l’a déclaré, « mon point de vue est que, sur la base de ce que nous savons aujourd’hui, compte tenu de toutes les incertitudes à ce sujet, je tiens compte de certains effets des droits de douane sur l’inflation, sur les prix, parce que je pense que nous verrons certains de ces effets plus tard cette année ».
Mais il est comme tout le monde « nous ne savons pas combien de temps les droits de douane s’appliqueront. Nous ne savons pas ce que d’autres pays pourraient faire en réponse à cette mesure ».
Concernant les taux, « je pense que la politique actuelle est bien placée. Je ne vois pas la nécessité de la modifier immédiatement ».

Que d’agitation au pied du mur quand les édiles découvrent, tout à coup, qu’il n’y a plus de ciment ni de briques. N’y avait-il donc pas d’instituts de projections économiques et de géopolitiques pour les mettre en garde. Si oui, qu’en ont-ils faits ?
N’y a-t-il pas dès lors aussi un problème au sein de nos institutions ?
Un peu d’introspection ne ferait pas de tord.
Me semble-t-il.