Risque de récession, hausse des taux, rebond des Bourses, quel bilan tirer alors que l’on annonce un changement de cap des banques centrales ? Réponse avec Bernard Keppenne et Michel Ernst, respectivement Chief Economist et Stratégiste Actions Senior de CBC Banque.
Le FMI s’attendait à une année catastrophique, finalement, c’est tout l’inverse
Risque de récession, hausse des taux, rebond des Bourses, quel bilan tirer alors que l’on annonce un changement de cap des banques centrales ? Réponse avec Bernard Keppenne et Michel Ernst, respectivement Chief Economist et Stratégiste Actions Senior de CBC Banque.
Depuis l’année dernière, l’inflation domine l’actualité économique. Comment expliquer cette soudaine envolée des prix ?
Bernard Keppenne : La guerre en Ukraine est souvent pointée comme la cause de l’inflation actuelle, mais les tensions sur les prix étaient déjà palpables auparavant. La forte demande et les perturbations des chaînes de production à la fin de la pandémie avaient engendré des pénuries et une envolée des coûts des matières premières et du transport. La guerre lancée par la Russie en février 2022 a fortement aggravé ces tensions, faisant notamment bondir les prix du pétrole, du gaz ou du blé. Ce qui a contraint les banques centrales à intervenir en arrêtant leurs injections de liquidités et en relevant drastiquement leurs taux. Ces interventions visent à freiner la demande pour apaiser les tensions sur les prix, quitte à provoquer un net ralentissement de l’économie.
Avec le risque d’engendrer une récession ?
Bernard Keppenne : C’était en effet le scénario prévu pour 2023. Le FMI s’attendait même à une année catastrophique, ne voyant que la Chine pour maintenir l’économie mondiale à flot. Finalement, c’est tout l’inverse. Les États-Unis s’orientent aujourd’hui vers un atterrissage en douceur. L’Europe, particulièrement affectée par la crise énergétique, fait preuve d’une très grande résilience. Seule l’Allemagne est à la traîne en raison de sa dépendance aux exportations vers la Chine. Or, la deuxième économie mondiale tourne au ralenti. La reprise post-covid, dans le sillage de la levée des mesures sanitaires fin 2022, a été de courte durée et la Chine est freinée par son secteur immobilier en crise et des exportations décevantes.
Quel est l’impact de la situation économique sur les Bourses ?
Michel Ernst : En 2022, les craintes de récession et la hausse des taux avaient plombé tant les obligations que les actions. Les valeurs technologiques avaient particulièrement souffert en raison de prises de bénéfices et de la remontée des taux (qui affecte la valeur actuelle des bénéfices futurs), expliquant la sous-performance des actions américaines (-19% pour l’indice S&P 500). Les valeurs cycliques avaient par contre mieux résisté, surtout celles liées à l’énergie en hausse. Cette année, la tendance est bien plus favorable. Les actions européennes et américaines affichent un gain de plus de 10% depuis le début de l’année. Le secteur technologique connaît un net rebond grâce notamment à l’engouement pour l’intelligence artificielle. Seule ombre au tableau, comme pour l’économie, les marchés boursiers chinois souffrent d’une croissance décevante et de la forte reprise en main du monde des entreprises par Pékin, notamment à travers la régulation.
Quelles sont vos prévisions pour le reste de l’année ?
Bernard Keppenne : Au niveau économique, le principal revirement attendu est la fin du cycle de hausses des taux des banques centrales. Plusieurs ont déjà annoncé une pause, voire procédé à de premières baisses de taux comme en Europe de l’Est.
Michel Ernst : Une perspective qui devrait soutenir les Bourses, tout particulièrement les marchés obligataires. Ces derniers offrent d’ailleurs à nouveau des opportunités, comme vous pourrez le découvrir dans notre prochain article la semaine prochaine.
Interview de Cédric Boite pour Trends Tendances.
L’Allemagne fait pire qu’être simplement à la traine. Elle était la locomotive industrielle de l’UE et est la victime non seulement de la faiblesse actuelle de l’économie chinoise mais aussi de la guerre en Ukraine sachant que la Russie était un client important mais surtout un fournisseur stratégique de ses sources d’énergie. Ignorer que la guerre en Ukraine et les sanctions économique de l’UE envers la Russie ont un impact majeur sur l’économie des pays membres de l’UE n’aide pas à comprendre les risques du marasme vers lequel on se dirige durablement et ceci en dehors de toute considération idéologique. Le remède de cheval de l’UE ( Green Deal) pour sauver la planète, comprenez préserver l’espèce humaine, participe aussi au dérèglement des échanges et de la production.
Dernier point. Il n’est n’est pas certain que quand bien même l’économie chinoise devait à nouveau prospérer que cela aurait un effet d’entrainement direct et durable de l’économie d’ l’UE. Il y a désormais une épaisseur idéologique dans nos relations avec la Chine et un verrou quand à la nature de nos exportations dont l’opérateur n’est pas à Bruxelles mais à Washington.
Ce n’est pas faire de l’ US Bashing que de le signaler.
D. Sabbe