Avant de penser à s’installer aux Etats-Unis, les entreprises vont devoir bien réfléchir et se préparer à évoluer dans un contexte d’incertitude extrêmement élevé. Je m’explique.

Y réfléchir à deux fois !
Avant de penser à s’installer aux Etats-Unis, les entreprises vont devoir bien réfléchir et se préparer à évoluer dans un contexte d’incertitude extrêmement élevé. Je m’explique.
La saga judiciaire
Commençons par la saga judiciaire qui s’est déroulée en deux temps, et qui a ajouté une bonne dose d’incertitude dans des marchés financiers qui n’avaient vraiment pas besoin de cela.
Pour le moment, une cour d’appel fédérale a temporairement rétabli les droits de douane les plus importants, un jour après qu’un tribunal commercial avait jugé que Trump avait outrepassé son autorité en imposant ces droits de douane et avait ordonné leur blocage immédiat.
Cette cour d’appel a déclaré qu’elle suspendait la décision du tribunal inférieur pour examiner l’appel du gouvernement, et a ordonné aux plaignants dans les affaires de répondre avant le 5 juin, et à l’administration, avant le 9 juin.
Selon la décision du tribunal de commerce, les trois juges ont estimé que la Constitution donnait au Congrès et pas au président, le pouvoir de lever des taxes et des droits de douane. Ils ont en outre estimé que Trump ne pouvait pas évoquer la loi sur les pouvoirs économiques en cas d’urgence internationale pour prendre ces décisions.
La réponse de l’administration ne s’est pas fait attendre avec cet appel, alors que Trump déclarait « l’horrible décision stipulait que je devrais obtenir l’approbation du Congrès pour ces droits de douane. Si cette décision est maintenue, elle détruira complètement le pouvoir présidentiel – la présidence ne sera plus jamais la même ! Cette décision est saluée dans le monde entier par tous les pays, à l’exception des États-Unis d’Amérique ».
Dans le deuxième acte, la décision de la cour d’appel ne fait que suspendre le jugement et nous sommes dès lors revenus pour le moment à la case départ.
Les bourses, qui avaient été très prudentes à l’annonce de la première décision, sont reparties dans le rouge ce matin en Asie, car cette bataille juridique va venir ajouter une bonne couche d’incertitude dont les marchés n’avaient vraiment pas besoin.
Pour les entreprises américaines et celles établies aux Etats-Unis cela renforce leur inquiétude et les poussent à reporter leurs investissements le temps d’y voir plus clair.
Deuxième risque
Alors que la volonté de Trump, par l’imposition des droits de douane, est d’inciter les entreprises à venir s’installer aux Etats-Unis pour produire sur place, dans la loi de la réforme budgétaire, une mesure pourrait venir lourdement pénaliser ces dernières.
Il est en effet prévu qu’une taxe supplémentaire de 5%, l’année prochaine, et qui grimpera chaque année pour atteindre 20%, sera appliquée sur les revenus américains des entreprises françaises, britanniques ou australiennes. Mais elle pourrait aussi concerner toutes les entreprises de l’UE et du Canada.
Cette taxe vise les pays qui ont adopté ou comptent adopter une taxe sur les services digitaux et ceux qui ont adopté le taux de taxation minimum aux multinationales, taxe négociée par le G7 et acceptée par les Etats-Unis. Vous suivez toujours ?
Si cette taxe est appliquée, elle va rendre les Etats-Unis nettement moins attrayants pour un certain nombre d’entreprises, surtout si en plus les droits de douane sont, même en partie, annulés.
Troisième risque
Le risque monétaire et de défiance par rapport au dollar, avec un dollar qui s’affaiblit par rapport à beaucoup de devises, comme le montre son évolution par rapport à un panier de devises.

Risque monétaire aussi avec une nouvelle passe d’armes entre Trump et Powell, Trump ayant convoqué ce dernier, hier, à la Maison Blanche.
Powell a réaffirmé sa position et celle de la FED soulignant que lui et ses collègues de la FED « fixeront la politique monétaire, comme l’exige la loi, pour soutenir un emploi maximum et des prix stables et prendront ces décisions en se basant uniquement sur une analyse minutieuse, objective et apolitique ».
Alors que de son côté, l’administration a déclaré que « le président a dit qu’il pensait que le président de la FED commettait une erreur en ne baissant pas les taux d’intérêt, ce qui nous place dans une situation économique désavantageuse par rapport à la Chine et à d’autres pays ».
Les propos de Powell sont en totale adéquation avec les minutes de la dernière réunion de la FED, minutes publiées mercredi.
Il ressort de ces dernières que pour les membres de la FED la situation est tout sauf évidente à appréhender.
En effet, d’après ces minutes, « presque tous les participants » ont évoqué le risque que « l’inflation s’avère plus persistante qu’attendu ». Et d’ajouter, « les es participants ont noté que (le comité de politique monétaire de la FED) pourrait être confronté à des compromis difficiles si l’inflation demeure plus persistante et que, dans le même temps, les prévisions pour la croissance et l’emploi s’affaiblissent ».
Résultat, et cela a été rappelé depuis lors par plusieurs membres de la FED, « l’incertitude sur les perspectives économiques s’est accrue davantage » et il est dès lors « approprié d’adopter une approche prudente ».
Tout cela confirme que la FED ne va pas modifier ses taux avant la rentrée, pour autant que l’on y voit plus clair dans les droits de douane, ce qui n’est pas gagné.
La publication cet après-midi du Core PCE, attendu en léger recul à 2.5% pour le mois d’avril contre 2.6% en mars, ne va rien changer, car ce chiffre ne tient pas encore réellement compte de la hausse des tarifs douaniers.
Et dernier risque
Celui d’une dégradation plus importante des finances publiques suite à une dégradation plus importante de l’économie américaine et à une défiance qui maintiendrait la pression sur les taux américains.
Le Congressional Budget Office table sur une dette qui s’élèverait à 117 % du PIB au cours de la prochaine décennie, et que les paiements d’intérêts nets s’élèveront à 4 % du PIB.
Mais ce scénario est basé sur des projections, qui à ce stade, sont sujettes à interrogation, car le CBO estime que les États-Unis connaîtront une croissance économique continue et ininterrompue au cours de la prochaine décennie.
Et deuxième point d’interrogation, les projections actuelles du CBO reposent sur l’hypothèse d’une normalisation de la courbe des rendements au cours de l’année à venir. Elles supposent que le rendement du Trésor à trois mois tombera à 3,2 % et que le rendement à dix ans s’établira à 3,9 %, alors que les deux se situent actuellement à 4,40%.

Dans l’hypothèse où la courbe des taux ne se normalise pas, les États-Unis pourraient se retrouver dans une situation dangereuse où la croissance du PIB nominal resterait durablement inférieure au rendement du Treasury à 10 ans, ce qui signifierait que la dynamique de la dette se détériorerait parce que les paiements d’intérêts seraient supérieurs à la croissance.

Monsieur Keppenne, si je vous comprends bien, il serait dangereux pour les entreprises étrangères de s’installer aux USA au risque de voir taxer leurs revenus de 5% jusqu’à 20%. De combien est l’ISOC en Belgique ? Et la taxation sur la rémunération du travail ? Si Trump n’attire pas la sympathie, perso je trouve que sa politique mercantile plutôt que keynésienne me paraît pas mal. Je pense que ce sera profitable aux US. Cordialement.