Nous connaissons tous cette scène : des parkings bondés, des caddies remplis à ras bord et, pendant la période précédant Noël, de longues files d’attente dans de nombreux endroits.
Les centres commerciaux débordent. Mais pourquoi des parkings bondés ne signifient-ils pas que nous sommes mieux lotis ?
Nous connaissons tous cette scène : des parkings bondés, des caddies remplis à ras bord et, pendant la période précédant Noël, de longues files d’attente dans de nombreux endroits. Sur les médias sociaux, vous verrez souvent des conclusions apparemment logiques : nous vivons dans le luxe, notre prospérité augmente clairement et les plaintes constantes des gens n’ont pas de sens.
Mais est-ce vraiment le cas ? Ne sommes-nous pas, année après année, victimes d’un biais de survie ?
L’un des exemples les plus célèbres du biais de survie remonte à la Seconde Guerre mondiale. Lorsque les forces alliées ont analysé les dommages subis par les avions à leur retour de mission, elles ont constaté que certaines parties des avions étaient plus souvent touchées que d’autres. Sur la base de ces données, elles ont voulu renforcer le blindage précisément dans les parties structurelles les plus endommagées par les tirs. Cependant, le mathématicien Abraham Wald a fait remarquer que cette analyse était faussée car elle n’incluait pas les avions qui ne revenaient jamais du combat. Il a suggéré de renforcer le blindage dans les zones qui ne présentaient aucun dommage sur les avions qui revenaient, généralement autour des moteurs. Ces impacts étaient souvent fatals lors des missions de combat.
En d’autres termes, le biais de survie se produit lorsque nous ignorons les cas invisibles ou les échecs, ce qui conduit à une analyse basée sur des données incomplètes. Cette même erreur se retrouve dans la façon dont nous percevons les centres commerciaux : nous ne voyons que les personnes qui peuvent se permettre d’y faire des achats, tandis que celles qui ne le peuvent pas restent invisibles. Tout comme l’analyse des avions en temps de guerre, le fait de ne s’intéresser qu’aux acheteurs des centres commerciaux nous donne une image trompeuse de l’économie.
Dans les coulisses des achats de Noël, de nombreux ménages subissent d’importants “dommages invisibles”. Les factures ne sont pas payées, les médicaments ne sont pas pris et les repas sont sacrifiés pour pouvoir s’offrir des cadeaux. Ces compromis financiers, cachés au public, représentent le coût réel des achats de Noël pour certaines personnes.
De même, alors que les magasins bondés nous montrent des personnes utilisant des cartes de crédit pour leurs achats, nous ne voyons pas ceux qui ne peuvent même pas prétendre à un crédit. L’impact à long terme de l’endettement sur les familles en difficulté est souvent négligé parce que nous nous concentrons sur les statistiques immédiates du commerce de détail et sur l’activité commerciale visible.
Le fait que les centres commerciaux soient bondés n’est pas le signe d’une prospérité universelle. En fait, les salaires horaires réels ont baissé dans de nombreux pays européens ces dernières années, la Belgique étant une exception notable. Cette baisse du pouvoir d’achat a rendu de nombreux ménages vulnérables à la perte de revenus ou à des dépenses imprévues, telles qu’un appareil électroménager cassé ou une urgence médicale.
Que pouvons-nous conclure de tout cela ? Pour évaluer le niveau de vie et l’état général de l’économie, il est certainement préférable de travailler avec les données économiques disponibles plutôt que de se fier aux impressions recueillies dans des centres commerciaux bondés. Le tableau complet de la santé économique doit inclure à la fois ce que nous pouvons voir dans les magasins bondés et ce qui reste invisible à l’observation occasionnelle.
Dominik Rusinko
Senior Economist, CSOB Czech Republic
Immoderinvest.com