Le discours de Powell fera certainement date dans l’histoire économique et financière par sa brièveté, mais surtout par sa fermeté et par la volonté clairement affichée de combattre l’inflation sans états d’âme.
Un discours historique et implacable
Le discours de Powell fera certainement date dans l’histoire économique et financière par sa brièveté, mais surtout par sa fermeté et par la volonté clairement affichée de combattre l’inflation sans états d’âme.
Discours historique
Powell a donc tenu un discours vérité, sans le moindre graphique, et qui aura duré une dizaine de minutes mais qui restera dans l’histoire certainement. Et les réactions des marchés financiers ont été à la hauteur des annonces, avec une chute des bourses et une envolée des taux même si ces propos étaient prévisibles comme je l’avais souligné jeudi et vendredi.
Powell a fait passer trois messages, 1) la période qui s’ouvre sera douloureuse pour les ménages et les entreprises, 2) les taux vont continuer d’augmenter et 3) il ne faut pas s’attendre à une baisse rapide des taux après la phase de resserrement.
Voyons donc en détail ces trois points
Powell a commencé son discours par « mes remarques seront plus courtes, mon objectif plus restreint et mon message plus direct ». Pour enchainer tout de suite sur «si la hausse des taux d’intérêt, le ralentissement de la croissance et l’assouplissement des conditions du marché du travail feront baisser l’inflation, ils seront également douloureux pour les ménages et les entreprises. Ce sont les coûts malheureux de la réduction de l’inflation. Mais si l’on ne parvient pas à rétablir la stabilité des prix, la douleur sera bien plus grande ».
Il a donc rappelé que la Banque centrale était là pour combattre l’inflation, c’est sa mission première et il sait que cela ne se fera pas sans un ralentissement de l’économie.
La hausse des taux se poursuivra mais il n’a pas donné d’indication sur le rythme et l’ampleur des hausses, mais « l’augmentation de la fourchette cible en juillet était la deuxième augmentation de 75 points de base en autant de réunions, et j’ai dit alors qu’une autre augmentation inhabituellement importante pourrait être appropriée lors de notre prochaine réunion. Nous sommes maintenant à peu près à mi-chemin de la période inter-réunions. Notre décision lors de la réunion de septembre dépendra de l’ensemble des données reçues et de l’évolution des perspectives. À un moment donné, alors que l’orientation de la politique monétaire se resserre davantage, il deviendra probablement approprié de ralentir le rythme des augmentations ». Sur base de ce propos, le marché table à une forte probabilité sur une hausse encore de 0.75% lors de réunion de septembre.
Et troisième point extrêmement important, c’est qu’après la phase de resserrement, « le rétablissement de la stabilité des prix nécessitera probablement le maintien d’une orientation restrictive de la politique monétaire pendant un certain temp ».
Preuve de l’importance de ses propos, Powell a fait référence à Volker, qui avait réussi à combattre l’inflation après des années d’échec, et façon très claire aussi de montrer sa détermination.
Les réactions ne sont pas faites attendre. D’abord les marchés boursiers n’ont pas du tout, c’est le moins qu’on puisse dire, apprécié les propos et clairement aucun des trois points évoqués par Powell ne peuvent les ravir.
Les taux courts ont fortement augmenté et en particulier le rendement du Treasury 2 ans qui a atteint son niveau le plus élevé depuis novembre 2007, avec une inversion de la courbe qui se consolide.
Et troisième réaction, le dollar s’est de nouveau renforcé et en particulier par rapport à l’euro, euro évidemment fortement sous pression avec les tensions sur le prix du gaz.
La transformation de Powell de colombe en faucon n’est donc pas passée inaperçue et fera encore sentir ses effets sur les marchés avec des indices boursiers qui sont encore attendus en recul.
Mais est-ce que cette transformation pourrait s’opérer pour Lagarde aussi ?
Hausse plus importante des taux ?
En tout cas, vendredi, des rumeurs persistantes laissaient entendre qu’une hausse de 0.75% des taux lors de la prochaine réunion de la BCE était dorénavant sur la table.
Et la réunion de Jackson Hole a été l’occasion pour deux membres de la BCE de confirmer indirectement cette rumeur et aussi l’intention qu’a la BCE de se montrer très déterminée par rapport à l’inflation.
Isabel Schanbel, membre du directoire de la BCE a ainsi déclaré « la probabilité et le coût de l’ancrage de l’inflation élevée actuelle dans les attentes sont inconfortablement élevés. Dans cet environnement, les Banques centrales doivent agir avec force ».
Et un autre membre, Marins Kazaks, a déclaré « nous devons pouvoir discuter à la fois de 50 et 75 points de base comme hausses possibles. Dans la perspective actuelle, ce devrait être au moins 50 ».
La BCE pourrait donc suivre la FED, et la hausse pourrait être très rapide tant que l’Europe ne plonge pas encore dans la récession. Car même si on est mouillé parce qu’on nage, on n’apprécie pas nécessairement d’avoir de forte chute de pluie en même temps.
En recadrant leur action, les Banques centrales viennent rappeler aussi que leur mission est d’assurer la stabilité des prix et de combattre l’inflation, mais qu’elles ne peuvent rien faire face à une envolée des prix de l’énergie. Si elles font leur boulot, c’est aux gouvernements de prendre à bras le corps les défis qui nous traversons. Et nous ne pouvons absolument pas nous contenter des propos d’Alexander De Croo « les cinq à dix prochains hivers seront difficiles ». Il faut agir et mener en profondeur les réformes indispensables pour relever les défis énergétiques et climatiques et nous ne pouvons pas nous contenter d’un simple constat.