Comme dans la plupart des pays de l’UE, le marché du logement en Belgique s’est refroidi depuis l’automne 2022. Ce refroidissement s’est déroulé de manière assez ordonnée, sans chute (brutale) des prix des logements.
Le marché belge de l’immobilier reprend des couleurs après un refroidissement, mais les perspectives restent modérées
Comme dans la plupart des pays de l’UE, le marché du logement en Belgique s’est refroidi depuis l’automne 2022. Ce refroidissement s’est déroulé de manière assez ordonnée, sans chute (brutale) des prix des logements. Il a donc été un peu plus modéré que dans l’ensemble de l’UE27 et contraste particulièrement avec les corrections de prix sur le marché du logement dans certains autres pays (y compris le Luxembourg voisin et l’Allemagne). Cela ne change rien au fait qu’en Belgique aussi, l’activité d’achat et de construction a considérablement diminué ces dernières années. Cependant, plusieurs indicateurs suggèrent que ce refroidissement est probablement derrière nous. La dynamique des prix s’accélère quelque peu et, très récemment, des signes d’amélioration de la demande de logements sont apparus, même si la plupart des indicateurs restent faibles.
Le refroidissement a permis d’éliminer la surévaluation du marché belge du logement, du moins selon le modèle KBC axé sur la demande. La surévaluation ne devrait donc plus être considérée comme un risque majeur de correction des prix. En tenant compte de l’évolution attendue des fondamentaux du marché, nous supposons que les prix des logements augmenteront modérément, d’environ 3 %, tant en 2025 qu’en 2026. Ce scénario reste entouré d’incertitudes. La plus importante concerne la mesure dans laquelle l’offre de logements supplémentaires répondra à la demande. Il convient de noter à cet égard que, depuis 2023, le nombre d’unités de logement a cessé de croître plus fortement que le nombre de ménages. Une offre trop rigide pourrait faire en sorte que les pressions annuelles sur les prix finissent par dépasser les 3 % prévus.
1. Evolution récente des prix de l’immobilier
Données harmonisées d’Eurostat
Au cours des deux dernières années, la dynamique du marché du logement s’est ralentie dans la plupart des pays européens. Toutefois, ce refroidissement ne s’est pas manifesté partout et, le cas échéant, pas dans la même mesure. D’une part, il y a des pays où les prix de l’immobilier se sont corrigés assez fermement : Luxembourg, Allemagne, Autriche, France, Finlande et Suède. D’autre part, il y a aussi des pays qui n’ont pas connu un seul trimestre de baisse des prix au cours des dernières années : Croatie, Portugal, Grèce, Malte, Bulgarie, Lituanie et Slovénie. La figure 1 montre que les différences entre les pays de l’UE sont importantes. Le Luxembourg et l’Allemagne ont enregistré la plus forte baisse de prix (plus de 10 %) depuis le troisième trimestre 2022. La Pologne et la Bulgarie sont les deux pays où les prix ont continué à augmenter le plus fortement depuis le troisième trimestre 2022 (plus de 20%). Dans l’ensemble de l’UE27, il n’y a eu qu’une correction limitée des prix, suivie de plusieurs trimestres de stabilisation approximative. En 2024, la dynamique des prix s’est quelque peu accélérée, ce qui indique que l’UE27 a peut-être mis fin à la période de refroidissement. Il est à noter que même les pays ayant subi une forte correction ont vu leurs prix de l’immobilier se redresser plus récemment.
Comme dans la plupart des pays de l’UE, le troisième trimestre 2022 a également été un point de basculement dans la dynamique des prix de l’immobilier en Belgique. Cependant, comparé à l’ensemble de l’UE27, le refroidissement en Belgique a été légèrement moins marqué. La reprise de la croissance des prix de l’immobilier après plusieurs trimestres de légère baisse a eu lieu un peu plus tôt en Belgique que dans l’UE27, à savoir à partir du troisième trimestre 2023. Elle a de nouveau été légèrement plus faible au cours du premier semestre 2024, mais s’est encore accélérée au troisième trimestre 2024 (dernières données disponibles, voir figure 1). Ce rebond un peu plus précoce est dû à la nouvelle hausse vigoureuse des prix de la construction neuve, qui a de nouveau marqué le pas au cours de l’année 2024 (figure 2). Les chiffres à nouveau faibles des deuxième et troisième trimestres pour la construction neuve ont apporté un tempérament bienvenu, après une hausse cumulée des prix de 8,1 % entre le deuxième trimestre 2023 et le premier trimestre 2024. La reprise des prix des logements existants depuis le deuxième trimestre 2023 a été plus modérée, mais s’est accélérée au troisième trimestre 2024.
Bien que le marché immobilier belge ait globalement bien résisté, surtout par rapport à de nombreux autres pays de l’UE, il y a eu une correction des prix “en termes réels” en Belgique. Celle-ci a eu lieu entre le troisième trimestre 2021 et le quatrième trimestre 2022 et s’est élevée à 7,6 % au total (figure 3). Cela signifie qu’à hauteur de ce pourcentage, la variation nominale des prix du logement au cours de cette période est restée à la traîne de l’augmentation générale des prix des biens et services, telle que reflétée dans l’indice (harmonisé) des prix à la consommation (IPCH). Bien que la dynamique des prix des logements en Belgique soit redevenue plus positive en termes nominaux depuis le troisième trimestre 2023, l’évolution des prix réels des logements est restée plutôt stable, avec même une certaine correction des prix réels au cours du premier semestre 2024. Cela s’explique principalement par le retour d’une inflation IPCH globale plus forte, qui a culminé à 5,4 % en juin et juillet 2024. La combinaison d’une nouvelle baisse de l’inflation et d’un raffermissement des prix de l’immobilier s’est traduite par une nouvelle croissance limitée des prix réels de l’immobilier au troisième trimestre 2024.
Données alternatives sur les prix
Les chiffres discutés ci-dessus se réfèrent à l’évolution de l’indice harmonisé des prix des logements publié par Eurostat sur une base trimestrielle. Pour la Belgique, la série est calculée par l’office statistique Statbel, qui la fournit ensuite à Eurostat. L’indice est basé sur une méthodologie élaborée au niveau européen afin d’assurer la comparabilité entre les pays de l’UE. Outre la comparabilité internationale, cet indice présente également l’avantage de corriger les variations de prix résultant de changements dans les caractéristiques des maisons vendues (année de construction, surface utile, nombre de pièces, etc.) Par conséquent, l’indice harmonisé donne une bonne image de la véritable dynamique sous-jacente des prix sur le marché du logement, indépendamment de l’évolution des caractéristiques des logements. KBC Economics utilise donc cet indice comme référence pour ses analyses et projections des prix des logements.
Outre les séries d’Eurostat, il existe d’autres données qui reflètent l’évolution des prix “bruts” (non ajustés) des logements. Une première série concerne des données également publiées par Statbel, basées sur les actes de vente enregistrés par le SPF Finances (plus précisément, l’Administration générale de la documentation immobilière). Il s’agit des prix de vente médians des maisons (fermées, jumelées et ouvertes) et des appartements. Le calcul d’un prix médian pondéré par les transactions permet d’obtenir un indice de prix global pour l’ensemble des types de logement. Un inconvénient de la série, qui s’applique également à la série harmonisée d’Eurostat, est que les chiffres se réfèrent à l’enregistrement des actes, qui a généralement lieu plusieurs mois après la signature du contrat de vente (ce que l’on appelle le compromis). En outre, les chiffres sont disponibles assez tardivement, environ trois mois après la période de référence.
Le Baromètre Notarial de la Fédération des Notaires de Belgique (FedNot) ne présente pas ces deux inconvénients. Il s’agit d’une autre série de données sur les prix des logements en Belgique, basée sur des données collectées par les notaires au moment de la signature du compromis et complétées par des données provenant des actes de vente. En outre, comme cette série est disponible relativement rapidement (dès quelques semaines après le trimestre en question), elle donne une image précoce de l’évolution du marché du logement. Contrairement aux chiffres bruts de Statbel, qui concernent les prix médians, le Baromètre des notaires donne le prix moyen des maisons et des appartements. Là encore, il est possible de calculer un indice global des deux types de biens, via le calcul d’un prix moyen pondéré par les transactions.
Comme toutes les autres séries de données déjà mentionnées, le Baromètre Notarial présente l’inconvénient de ne remonter que de manière limitée dans le temps, ce qui rend impossible toute analyse sur une période plus longue. La série chronologique la plus longue, qui remonte à 1973, est publiée par la Banque centrale européenne (BCE) et fournie par la Banque nationale de Belgique (BNB). Il s’agit d’un indice composite général, qui ne contient pas de détails sur les types de logement. Comme pour les données brutes de Statbel et le Baromètre des notaires, seules les ventes de logements existants sont prises en compte. À cet égard, toutes les données alternatives sur les prix des logements diffèrent des chiffres harmonisés d’Eurostat qui, en plus d’un indice global, sont également disponibles avec une ventilation des ventes de logements existants et neufs (figure 2). Il convient de noter que les chiffres d’Eurostat pour les logements neufs utilisent les prix de vente dans le secteur de la construction comme indicateur.
La figure 4 rassemble les données disponibles sur les prix des logements. Pour maximiser la comparabilité, la série d’Eurostat, comme les autres, ne couvre que les ventes de logements existants. Le point de départ (2010) est choisi sur la base de la série brute Statbel la plus courte disponible. Tout d’abord, on remarque que, sur l’ensemble de la période, la série harmonisée (ajustée) d’Eurostat a, dans l’ensemble, moins augmenté. Cela s’explique très probablement par le fait qu’au cours des dernières années, un nombre proportionnellement plus important de maisons construites relativement récemment (c’est-à-dire également plus durables et plus efficaces sur le plan énergétique) ont été progressivement mises en vente. Dans les autres séries (non ajustées), la hausse des prix reflète en partie la “meilleure” qualité moyenne des biens vendus, qui a été ajustée dans les séries d’Eurostat. En ce qui concerne les trimestres les plus récents, il convient de noter que la dynamique des prix des logements dans les séries alternatives est restée faible pendant un peu plus longtemps, bien qu’elle montre également une accélération pour le dernier chiffre disponible (T3 2024).
2. L’activité du marché du logement
Ventes et construction
Le refroidissement passé du marché du logement trouve son origine dans des fondamentaux économiques moins favorables. En premier lieu, il y a eu la forte hausse des taux d’intérêt. La BCE a fortement relevé ses taux directeurs à partir de l’été 2022, ce qui a également entraîné une hausse des taux d’intérêt à long terme et, dans leur sillage, des taux hypothécaires. Entre le premier trimestre 2021 et le quatrième trimestre 2023, les taux hypothécaires moyens (pondérés par la part relative des prêts à taux fixe par rapport aux prêts à taux variable) en Belgique ont augmenté de 2,5 points de pourcentage. En outre, l’incertitude économique généralement accrue et la contraction temporaire des revenus réels disponibles des ménages ont probablement aussi joué un rôle, dans un contexte d’inflation galopante. En 2022, année où l’inflation IPCH a atteint 10,2 %, le revenu réel a baissé de 1,2 % en Belgique. Toutefois, cette baisse est moins importante que dans la plupart des autres pays européens, grâce à l’indexation automatique des salaires et à la création d’emplois relativement importante en Belgique, et peut expliquer pourquoi le marché immobilier belge a mieux résisté que ceux de l’UE27. Le fait que la dynamique des prix de l’immobilier ait repris un peu plus récemment s’explique principalement par la baisse des taux hypothécaires (de 0,5 point de pourcentage entre le quatrième trimestre 2023 et le troisième trimestre 2024).
Le refroidissement du marché du logement s’est également traduit par une forte diminution du nombre de transactions (figure 5). Selon les données de Statbel, le nombre de ventes de logements existants en Belgique en 2023 était inférieur de près de 15 % à celui de 2022. Pour les maisons (-16,8 %), la baisse a été plus importante que pour les appartements (-9,6 %). Le nombre de permis de bâtir (nouvelles constructions et rénovations) a fortement diminué plus tôt. Le pic a été atteint au printemps 2021. Alors que le nombre de transactions de maisons existantes sur le marché secondaire semble s’être quelque peu stabilisé récemment (à l’exception de fluctuations parfois importantes à court terme), le nombre de permis de construire sur le marché primaire a continué de chuter. Au cours des trois premiers trimestres de 2024, les ventes de logements existants ont augmenté de 0,9 % par rapport à la même période de l’année précédente, tandis que le nombre de permis de construire a diminué de 9,1 %.
La réduction de l’activité de construction résidentielle s’est également reflétée dans le volume des investissements effectifs en construction (nouvelle construction et rénovation de logements) réalisés par les ménages belges, tels qu’ils apparaissent dans les comptes nationaux. Ces investissements ont chuté de 11,2 % entre le pic du troisième trimestre 2021 et le troisième trimestre 2024 (figure 6). Il est à noter que la valeur ajoutée (en volume) dans la construction dans son ensemble s’est relativement bien maintenue. Cela s’explique par le fait que le sous-secteur “génie civil et travaux routiers” a continué à soutenir la croissance de la valeur ajoutée dans l’ensemble du secteur. La construction de la liaison Oosterweel à Anvers, par exemple, a stimulé le secteur. Cela montre qu’il faut être prudent avec les indicateurs de la construction, car ils incluent souvent d’autres activités de construction que la construction résidentielle.
Indicateurs à haute fréquence
Le refroidissement du marché belge du logement était également visible dans les indicateurs de sentiment. La confiance des producteurs dans la construction résidentielle, mesurée par l’indicateur conjoncturel de la BNB, s’est longtemps mieux maintenue que celle de l’ensemble de l’économie (figure 7). Néanmoins, après le pic de juin 2021, une détérioration tendancielle s’est produite jusqu’au début de 2024. Depuis lors, l’indicateur est resté relativement stable. Il y a eu une nouvelle baisse mensuelle prononcée en septembre 2024, mais elle a été suivie d’une reprise visible. Des informations plus détaillées ne sont disponibles que pour le gros œuvre de l’ensemble des bâtiments résidentiels et non résidentiels. Il en ressort que l’évaluation de l’activité actuelle, mais aussi de la situation des commandes, s’est quelque peu améliorée au cours des derniers mois de 2024. Une image similaire se dégage également d’enquêtes similaires menées par la Commission européenne auprès des entreprises de construction (figure 8). Malgré des données légèrement plus positives, les indicateurs restent à un niveau bas, non seulement par rapport aux sommets atteints juste avant et après la crise pandémique, mais aussi par rapport à leur moyenne à long terme.
Le fait que la situation sur le marché belge du logement se soit quelque peu améliorée au cours des derniers mois se reflète également dans les indicateurs liés à la demande de logement. Ainsi, l’indicateur de confiance de la Commission européenne, qui mesure l’intention des Belges d’acheter ou de construire un logement, a récemment connu un léger rebond (figure 9). Cela s’applique d’ailleurs à tous les âges, ce qui indique que la demande de logements, non seulement de la part des jeunes familles (primo-accédants), mais aussi des investisseurs et des “déménageurs” plus âgés, est en train de devenir positive. L’amélioration de la demande de logements se reflète également dans les chiffres relatifs à la production de nouveaux prêts hypothécaires (figure 10). Ceux-ci avaient fortement chuté depuis juin 2022, mais augmentent à nouveau depuis le printemps 2024, même si leur niveau reste bien en deçà du pic précédent.
3. les déséquilibres du marché du logement
Surévaluation
La question est de savoir dans quelle mesure l’affaiblissement de la dynamique des prix de l’immobilier qui s’est produit depuis le troisième trimestre 2022 a tempéré la surévaluation antérieure du marché belge du logement. La réponse dépend non seulement de l’évolution récente des prix, mais aussi de l’évolution de ses principaux déterminants (les “fondamentaux du marché”). Il y a surévaluation ou sous-évaluation lorsque l’évolution des prix des logements n’est plus conforme à ce qu’indiquent ces fondamentaux. Souvent, les facteurs de la demande, tels que le revenu des ménages, les taux d’intérêt hypothécaires et la démographie, sont principalement pris en compte dans ce dernier cas. Toutefois, mesurer la surévaluation ou la sous-évaluation est une tâche délicate. Si différents chiffres circulent, c’est parce qu’il existe différentes mesures qui ne sont pas toutes aussi complètes.
Le ratio prix/revenu est une mesure simple qui relie uniquement l’évolution des prix de l’immobilier à celle du revenu disponible des ménages. Le raisonnement est le suivant : ce revenu est nécessaire pour constituer des fonds propres en vue d’un prêt hypothécaire, mais surtout pour disposer d’une capacité de remboursement suffisante. La valeur actuelle du ratio est comparée à sa moyenne de long terme, supposée correspondre à un niveau d’équilibre. Lorsque le ratio dépasse trop fortement sa moyenne de long terme, cela indique que la capacité des ménages à financer un logement diminue. Calculé de cette manière, le marché du logement était encore largement surévalué au deuxième trimestre 2024 (36 %), mais beaucoup moins qu’au début de 2022 (52 %) (figure 11). Outre la dynamique plus faible des prix, la baisse de la mesure est liée au fait que les revenus nominaux des ménages ont fortement augmenté parallèlement à l’inflation générale élevée via l’indexation automatique des salaires et des prestations sociales.
Outre les revenus, l’accessibilité à la propriété dépend de l’évolution des taux d’intérêt hypothécaires. Ces derniers déterminent la charge de remboursement et donc la capacité d’emprunt des acheteurs. Si l’on corrige le rapport prix/revenu pour tenir compte du taux d’intérêt, on obtient l’accessibilité ajustée aux intérêts. Celui-ci compare l’annuité qu’un créancier hypothécaire doit payer (remboursement du capital et intérêts) au revenu disponible du ménage. Plus l’annuité et le revenu divergent, plus la part du revenu consacrée au remboursement du prêt est importante. Comme pour le ratio prix/revenu, cette mesure plus large est exprimée en pourcentage d’écart par rapport à sa moyenne à long terme. En raison de la tendance à la forte baisse des taux d’intérêt, la surévaluation ainsi calculée a été complètement éliminée en 2019. Avec la contraction monétaire et la hausse des taux d’intérêt qui ont suivi depuis le printemps 2022, la surévaluation a de nouveau augmenté pour atteindre 26 % à la fin de 2023, mais la dernière baisse des taux d’intérêt et la croissance des revenus l’ont ramenée à 17 % au deuxième trimestre 2024 (figure 11).
L’évaluation du marché du logement est également souvent abordée à partir d’un modèle économétrique plus large. On recherche ainsi une relation d’équilibre mathématique à long terme entre les prix des logements et leurs fondamentaux. Outre le revenu des ménages et les taux d’intérêt hypothécaires, il s’agit généralement de facteurs démographiques (nombre de ménages) et de changements dans les caractéristiques structurelles du marché du logement (comme les taxes foncières). La mesure dans laquelle la tendance effective des prix s’écarte de la valeur d’équilibre calculée par le modèle (c’est-à-dire le terme de perturbation dans l’équation de régression) peut alors être considérée comme une mesure de la surévaluation. Selon le modèle axé sur la demande de KBC Economics, la surévaluation ainsi quantifiée était de 12,5 % au troisième trimestre 2023. Depuis ce pic, la surévaluation a progressivement diminué et a même presque disparu (0,4 % au T2 2024, figure 12). Selon une approche de modélisation similaire de la BCE, qui est plus rudimentaire, le marché belge était même marginalement (de 4 %) sous-évalué au deuxième trimestre 2024.
Situation d’endettement
Outre la mesure de la surévaluation, les risques sur le marché du logement sont généralement estimés sur la base de l’évolution de l’endettement des ménages. La Belgique est l’un des pays européens où la dette hypothécaire a le plus augmenté au cours des deux dernières décennies. Rapporté à leur revenu disponible, l’endettement total des ménages belges, qui se compose principalement de prêts hypothécaires, est supérieur à la moyenne de la zone euro depuis 2015. Toutefois, sa progression s’est inversée ces dernières années. Au deuxième trimestre 2024, le taux d’endettement a été ramené à 96 %, après avoir atteint un pic de 107 % au début de 2021 (figure 13). Ce renversement s’explique par la combinaison de prêts hypothécaires beaucoup plus faibles et, surtout, d’une croissance solide des revenus nominaux à la suite d’une inflation élevée.
La dette n’est un problème que si elle ne peut plus être remboursée. Malgré le taux d’endettement encore relativement élevé des ménages belges, les défaillances hypothécaires restent très faibles (figure 14). Cela s’explique en partie par la persistance d’un faible taux de chômage en Belgique (inférieur à 6 %) et par l’octroi de prêts responsables. En outre, l’attitude plus prudente des prêteurs n’a pas empêché la part des jeunes ménages dans les nouveaux prêts hypothécaires d’augmenter quelque peu ces dernières années (voir le Rapport sur la stabilité financière 2024, BNB).
4. les perspectives du marché du logement
Prévisions de prix
Un marché du logement déséquilibré (c’est-à-dire une forte surévaluation et/ou une accumulation excessive de dettes) présente des risques et pourrait alimenter un mouvement de baisse des prix sur le marché du logement. L’analyse ci-dessus montre que le marché belge du logement n’est pas dans une telle situation. Le refroidissement qui s’est produit sur le marché belge a atténué ces risques. Cela signifie que, de ce point de vue au moins, nous avons beaucoup moins à craindre d’une correction potentiellement grave des prix de l’immobilier à l’avenir. En ce sens, le refroidissement passé était un scénario “souhaitable”. Au cours des prochaines années, la dynamique des prix sur le marché du logement dépendra principalement de l’évolution des fondamentaux traditionnels du marché. Il s’agit essentiellement des taux d’intérêt, du revenu des ménages, de la démographie, de la fiscalité et de l’offre de logements.
Plus précisément, KBC Economics suppose que les prix des logements belges (selon la définition harmonisée d’Eurostat) continueront à augmenter modérément d’environ 3 % par an en 2025 et 2026, après une augmentation estimée à 3,1 % en moyenne en 2024. À plus long terme, la dynamique des prix de l’immobilier devrait s’accélérer légèrement pour atteindre 3,5 % par an. Cela correspond à peu près à la croissance attendue du PIB nominal. Dans le passé également, la dynamique des prix de l’immobilier a montré une corrélation raisonnable avec la dynamique de croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) (figure 15). Le fait que les augmentations de prix ne seront probablement pas aussi fortes à long terme qu’elles l’ont souvent été dans le passé est également conforme à la moindre pression sur les prix qui émanera de la démographie. Le Bureau fédéral du Plan estime que le nombre de ménages, et donc le besoin supplémentaire de logements, continuera à augmenter dans les années à venir, mais dans une moindre mesure (figure 16).
Incertitudes
La pression sur les prix du marché du logement reste difficile à prévoir en raison de facteurs incertains. L’un d’entre eux est la mesure dans laquelle l’offre de logements supplémentaires répondra aux besoins futurs en matière de logement. À cet égard, il convient de noter qu’à partir de 2023, le nombre d’unités de logement a cessé d’augmenter davantage que le nombre de ménages (figure 17). De 2012 à 2022, c’était le cas et, dans l’ensemble, l’offre de logements s’est bien adaptée aux tendances démographiques, et donc au besoin de logements supplémentaires. Une inversion plus forte que prévu du rapport entre le nombre d’unités de logement et le nombre de ménages pourrait entraîner des pressions plus fortes sur les prix du marché du logement que ce qui est prévu ci-dessus. Aujourd’hui, il existe de nombreuses frictions dans la construction qui empêchent la flexibilité de l’offre (réglementations strictes, exigences rigoureuses, procédures longues…). Elles créent une offre inélastique et rendent souvent les nouvelles constructions ou les rénovations plus complexes et plus coûteuses. Les pénuries de matériaux de construction et de main-d’œuvre constituent une autre contrainte dans le secteur de la construction, qui a joué un rôle dans le passé et qui peut également faire grimper les prix. Les enquêtes indiquent que la situation sur ce front s’est à nouveau quelque peu détériorée à la fin de l’année 2024 (figure 18).
Une autre incertitude concerne la fiscalité future autour de l’immobilier. Si le gouvernement, dans le cadre de la consolidation budgétaire et/ou d’une réforme fiscale, apporte des changements majeurs à la fiscalité du logement, cela pourrait affecter l’activité et la fixation des prix sur le marché du logement. La réduction déjà décidée des droits d’enregistrement en Flandre et en Wallonie à partir de 2025 pourrait déjà stimuler l’activité d’achat, mais, si l’offre ne suit pas et si le marché se resserre, elle pourrait en fin de compte entraîner une augmentation proportionnelle des prix des logements. L’efficacité énergétique des logements devrait également rester un facteur déterminant pour les prix dans les années à venir. Néanmoins, la mesure dans laquelle la dynamique des prix différera entre les logements économes en énergie et ceux qui ne le sont pas reste incertaine. En effet, les différentes dynamiques de prix sont influencées par l’abolition (en Flandre) du plan visant à renforcer les obligations de rénovation à partir de 2028 et par d’éventuels changements dans la législation environnementale.
Johan Van Gompel
Senior Economist KBC Group